La profession pharmaceutique au Sénégal, s’il faut reconnaitre qu’elle se porte bien dans son ensemble, fait face à de nombreuses difficultés qui sont d’ordre intrinsèque et extrinsèque.
La profession fait face aux difficiles conditions d’insertion des nouveaux diplômés. L’officine se retrouve être pratiquement le seul pourvoyeur d’emploi, du fait des rares possibilités qu’offrent les autres sous-secteurs que sont la fabrication, la représentation, la biologie médicale et la distribution (dans une moindre mesure), mais également de l’inexistence des autres métiers comme celui de Grossiste à l’export ou de Dépositaire. Le développement de ces différents domaines d’activité allait offrir de nouveaux débouchés aux pharmaciens. Le recrutement des Pharmaciens dans le secteur public (centres de santé aux hôpitaux, douane, police scientifique…) participerait également à résorber le gap.
L’obsolescence des textes législatifs et réglementaires qui régissent notre profession constitue un problème sérieux qui demande une solution urgente et globale, prenant en compte l’évolution de notre métier au fil des années, mais également les évolutions à venir dans l’union économique ouest africaine ainsi que le développement des TIC qui chamboule toutes les structurations existantes. La problématique de la libre circulation des personnes et des biens et la globalisation du marché pharmaceutique au sein de l’UEMOA méritent une réflexion profonde et inclusive, à la recherche de réponses appropriés sur les incidences de la prochaine ouverture de nos frontières.
Concernant la gouvernance du secteur pharmaceutique, il y’a beaucoup de problèmes. Les plus saillants sont relatifs :
- A l’autorité douanière sur les produits ayant l’AMM : beaucoup de produits pharmaceutiques qui ont leur visa se retrouvent bloqués à la frontière par les services de la Douane qui ne les considèrent pas comme des médicaments. Qui de la Douane ou de la Direction de la Pharmacie et du Médicament (DPM) devrait avoir l’autorité dans ce cas de figure ? Nous sommes d’avis que ça doit être la DPM.
- A la nécessité du renforcement des organes de régulation et de contrôle de la profession que sont le Conseil national de l’Ordre des Pharmaciens, la Direction de la Pharmacie et du Médicament et le Laboratoire National de Contrôle des Médicaments. Ceux-ci ont du mal à assurer leurs fonctions du fait d’un manque criard de ressources humaines, financières et matérielles.
- Au statut des établissements pharmaceutiques : il est vraiment temps que l’officine sorte de la Convention Collective du Commerce pour aller vers une Convention Collective de la Pharmacie et que la mission d’inspection des établissements pharmaceutiques soit exclusivement confiée aux pharmaciens Inspecteurs.
A côté des difficultés d’ordre intrinsèque, nous pouvons également relever beaucoup de menaces, parmi lesquelles :
- La vente illicite de médicaments : un phénomène qui a des impacts sanitaires graves sur la santé des populations et sur le système de santé du pays avec des préjudices économiques énormes et qui est à l’origine de l’insécurité de nos officines.
- Le trafic de faux médicaments : l’affaire ayant opposé récemment l’Ordre et le Syndicat des Pharmaciens aux trafiquants de faux médicaments d’une valeur de plus d’un milliard de Francs CFA constitue, si besoin en était, une preuve de l’importance de ce trafic pour lequel la ville sainte de Touba constitue la plaque tournante.
- L’exercice illégal de la profession de pharmacien et l’exercice illégal de la biologie médicale : beaucoup de structures sanitaires privés hébergent des Laboratoires d’Analyses Médicales non autorisés et se livrent en toute illégalité à la vente de médicaments. L’exercice illégal de la pharmacie est également le fait de tous les dépôts illégaux et autres points de vente illicite de médicaments présents un peu partout sur le territoire national.
- Les dérives de l’Initiative de Bamako : elles sont retrouvées dans pratiquement tous les établissements publics de santé qui hébergent une Pharmacie IB.
- La faiblesse du tissu industriel pharmaceutique locale : elle est à l’origine de la forte dépendance de notre pays vis-à-vis de l’extérieur et constitue un problème de souveraineté thérapeutique (environ 95 % de notre consommation en médicaments sont importés).
D’où la nécessité, pour l’ensemble de acteurs de la profession et sous l’impulsion des instances, de mener une réflexion approfondie sur les perspectives de développement de la Pharmacie au Sénégal pour, au final, engager un dialogue franc et constructif avec l’Etat.
Le moment est venu pour notre pays de travailler dans le sens de l’élargissement du rôle du pharmacien en matière de prévention, de dépistage, de coordination des soins, mais aussi dans celui de la reconnaissance des nouvelles missions du pharmacien d’officine dont les actions d’évaluation en vie réelle des médicaments, l’innovation thérapeutique, le dépistage des maladies infectieuses et non transmissibles et l’éducation thérapeutique du patient.
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